S’agit-il de “rationnement”?
Le concept d’Allocation Climat consiste à répartir équitablement un budget carbone à ne pas dépasser entre tous les citoyens. Contrairement au rationnement, l’Allocation Climat laisse la liberté à chacun de choisir où “dépenser” son carbone. Exactement de la même manière que pour un compte en banque, avec une quantité finie d’euros, on achète ce que l’on souhaite. Chacun sera donc libre de faire ses choix, dans la limite de sa dotation. C’est donc un moyen d’atteindre nos objectifs climatiques, condition nécessaire à une vie de qualité, tout en préservant un maximum de liberté.
Le système est-il vraiment ‘juste’?
Collectivement, il est de notre devoir de limiter nos émissions de GES.
Les mécanismes imaginés jusqu’à présent par les pays européens jouent sur les prix des biens à la consommation (taxe carbone) ou des quotas carbone alloués par secteur industriel et par entreprise sur lesquels le consommateur final n’a ni prise ni visibilité. Résultat : pour un ménage aisé, une hausse de prix (en lien avec l’impact carbone) est relativement indolore, tandis que pour les ménages précaires, c’est beaucoup plus sensible. A travers l’Allocation Climat, l’effort collectif de réduction des émissions est réparti équitablement, par-delà le prix du marché des biens et services.
A lui seul, le mécanisme ne résout pas intégralement tous les problèmes de justice sociale et climatique mais il s’inscrit dans une dynamique réelle de prise en considération de ce point crucial qu’est la juste répartition individuelle de l’effort collectif à fournir. Proportionnellement à leur revenu, les ménages précaires ont plus de ‘’consommations contraintes’’ et moins de marges de manœuvre. L’Allocation Climat a pour ambition de rendre lisible, et donc acceptable, la trajectoire de réduction collective de nos émissions. En jouant sur certains paramètres du dispositif, des ajustements simples à mettre en œuvre pourront être faits assez aisément pour trouver le juste équilibre, notamment en termes de justice sociale. Contrairement à des taxes qui ont tendance à pénaliser les personnes à faibles revenus, ou à des politiques fiscales dont les ménages non-imposables sont rarement bénéficiaires (pour ne pas dire jamais), l’Allocation Climat est un outil au service de l’intérêt général qui rassemble la population autour d’un grand objectif commun : la réduction des émissions de GES.
Quelle est la différence avec les quotas carbone européens?
Le SEQE, pour « système européen d’échange de quotas d’émission », a été mis en place progressivement à partir de 2005 en Europe. Il s’applique à 11 500 installations industrielles, représentant 45 % des émissions de GES de l’UE et couvre les secteurs suivants: les producteurs d’énergies et les industries les plus consommatrices d’énergie comme la sidérurgie et les producteurs d’aluminium, de verre ou de ciment.
Pour respecter ses quotas une installation peut soit ramener ses émissions au niveau de son plafond (en dé-carbonant ses procédés ou réduisant les volumes produits) soit acheter des quotas à une autre installation qui serait parvenue à réduire ses émissions en dessous de son plafond annuel.
En raison d’un certain nombre de facteurs, dont l’allocation de quotas gratuits à la plupart des secteurs soumis à une forte concurrence internationale (sidérurgie par exemple), le SEQE n’a pas permis de réduire significativement les émissions de la plupart des secteurs industriels couverts par le dispositif, hormis le secteur des producteurs d’énergie.
Les différences principales entre le SEQE et l’Allocation Climat sont les suivantes : le SEQE ne couvre que 45% des émissions de GES et ne concerne pas, notamment, trois secteurs très émetteurs, les transports, les bâtiments et l’agriculture/alimentation. L’Allocation Climat, quant à elle, concerne l’ensemble des secteurs, puisque basée sur la consommation ou l’usage final par les individus et ménages. Le SEQE ne prend en compte que la production à l’intérieur de l’Europe et pas les produits importés, alors que l’Allocation Climat tient compte également de la consommation de ces derniers. Enfin le SEQE est un quota “amont” c’est-à-dire imposé aux entreprises émettrices et non un quota “aval”, comme l’Allocation Climat qui lui est un système de quotas alloués aux ménages. Ce dernier système présente l’avantage d’une plus grande transparence et lisibilité pour les citoyens, et est également plus juste (voir questions précédente).
Comment préserver le droit à la vie privée si toutes les émissions sont tracées?
Le carbone n’est en fait qu’une sorte de « devise additionnelle », une seconde mesure de la valeur d’un bien ou d’un service : tout aura un coût en euros et en carbone. Les questions de vie privée sont analogues à celles qui se posent déjà pour le paiement électronique, et les données d’un compte climat devront être protégées de façon similaire à celles d’un compte en banque.
Il y a bien sûr un traçage des émissions, mais il a lieu en amont de l’achat : quel est le contenu carbone de chaque bien ou service, compte tenu de sa chaîne de production et de transport ? Le consommateur se contente, lui, de dépenser le contenu de son compte climat. Comme un compte en banque !
Comment sont calculés les “coûts carbone” des consommations?
La valeur carbone d’un produit ou service est calculée en équivalent CO2 (tonne ou kg). Comment est calculée cette valeur ? En tenant compte de toutes les étapes de la production jusqu’à la commercialisation du produit ou du service et donc de :
- L’extraction et la transformation des matières premières ayant servi à la fabrication des intermédiaires et du produit fini ;
- La fabrication du produit ;
- Son emballage et sa distribution ;
La mise en place d’un « étiquetage carbone » systématique implique de recourir à une méthode décentralisée et dynamique. Pour ce faire, un système analogue à la TVA autoliquidée peut être mis en place pour transférer l’information carbone le long de la chaîne de valeur. Chaque entreprise communique à ses clients le poids carbone des marchandises vendues, avec pour obligation d’équilibrer ses recettes et ses charges « carbone »au niveau comptable.
Pour les biens consommables ayant pour caractéristiques intrinsèques de générer des gaz à effet de serre lors de leur consommation (un litre d’essence, ou une bouteille de gaz par exemple), ces émissions sont également incluses dans le coût carbone lors de leur achat. Le coût carbone d’une voiture n’inclura donc pas les émissions liées à son utilisation puisque ces dernières seront couvertes lors de l’achat du carburant.
Concernant la fin de vie, que cela soit recyclage ou incinération, ces étapes sont assurées par des entreprises ou organisations, qui tiendront également leur propre comptabilité carbone comme les autres. Le coût carbone de la fin de vie d’un bien sera acquitté par son dernier propriétaire lors de sa mise au rebut, et son montant sera défini par la comptabilité carbone de l’entreprise de traitement.
A quelle échelle un tel dispositif doit-il être mis en place ?
Le CO2 ne connaît pas les frontières. Seule compte la quantité qui s’accumule pour des millénaires dans l’atmosphère terrestre, il s’agit bien là d’un des enjeux majeurs, le CO2 émis en un point local a une répercussion globale sur le climat à l’échelle planétaire. A problème systémique, solution systémique. Dans l’idéal et à terme, l’échelle appropriée pour un tel dispositif serait donc logiquement l’échelle mondiale.
Néanmoins, ce dispositif reste pertinent même à plus petite échelle (européenne ou étatique par exemple). En effet, le dispositif est orienté vers les résultats, et toute émission de GES évitée est un signal positif qu’il ne faut en aucun cas décourager. Même à une maille encore plus étroite, comme celle d’une région ou d’une ville, le dispositif n’est pas dénué d’intérêt, au contraire ! Cela permettrait de le tester, de l’éprouver et de communiquer à son sujet. En outre, si l’on raisonne cette fois-ci au niveau national, c’est une occasion qui semble belle à saisir pour la France, c’est l’opportunité pour notre pays d’être en première ligne sur la question climatique et de faire figure d’exemple à suivre sur la scène internationale.
N’est-ce pas une usine à gaz ?
Évaluer la valeur ajoutée d’un bien sur l’ensemble de la chaîne de production peut sembler très complexe. Et pourtant la mise en œuvre de la TVA a bien pu avoir lieu dans les années 50 en France, une époque à laquelle l’ensemble des services institutionnels et administratifs étaient à des années-lumière de la nôtre en termes de gestion de base de données et de niveau de développement informatique. Il est donc permis d’être résolument optimiste, à l’heure de nos sociétés connectées, en ce qui concerne la possibilité de mesurer (même très précisément) le détail de nos consommations et d’émissions de GES en équivalent CO2. Désormais, les entreprises disposent toutes d’une comptabilité complète : en intégrant dans cette comptabilité les émissions de GES à chaque ligne, il devient tout à fait réaliste de tracer les émissions des biens et des services.
Et si un ménage/individu n’a plus de quotas carbone ?
La gestion d’un compte climat est similaire à celle d’un compte en banque. De même qu’un individu ou un ménage peut se retrouver à court d’euros à force de consommations dispendieuses ou d’une gestion de budget hasardeuse, il n’est pas exclu qu’un individu ou un ménage se retrouve à court de carbone.
En déterminant à l’avance une quantité de carbone allouée à chaque citoyen garantissant un niveau de vie relativement décent, la méthode de distribution prévue permettra d’éviter que ce genre de situations se produisent trop fréquemment. Les versements mensualisés d’allocations carbone permettront une gestion fluide et sécurisante, et empêcheront les éventuelles périodes contraintes de se prolonger.
Enfin, toutes les situations peuvent être prises en compte, dans leur variété, afin que chaque cas particulier fasse l’objet d’un accompagnement adapté.